Le Charme du Salève
Louis Didier
18 avril 1876

 

Appendice à la traduction, ou imitation en vers, de la poésie allemande de M. Heim, doyen à Gais, intitulée « Le charme des montagnes »

 

Autant que des sommets d’antique et haut lignage,

Le don de nous charmer, Salève, est ton partage,

Pour tes Pitons rocheux et ta Pointe du Plan,

Tout jarret de grimpeur est pris d’un noble élan.

 

Comment s’en  étonner? Quoique tu ne recèles

Ni glaciers, ni chamois, ni neiges éternelles,

Emblème des hauteurs, et quoiqu’en un seul jour,

On puisse de ta chaîne à pied faire le tour.

 

Oh! tu n’en tiens pas moins, quoi qu’on dise et qu’on fasse,

Parmi tous tes rivaux une royale place,

Et tu peux sans rougir et sans craindre un affront,

Étaler les beautés qui brillent sur ton front.

 

En créant l’univers, l’Auteur de la Nature

Voulut favoriser la Genève future,

Et des dons que sa main versa de toute part,

Il te fit, ô Salève, une abondante part.

 

Ici, c’est un tableau gracieux, là, sévère...

C’est, dans le bois ombreux, une verte clairière...

Puis le sentier, parfois couvert d’un sable fin

Ou rappelant, ailleurs, l’âpre sentier alpin.

 

Pour la variété, comme pour l’étendue,

Où chercher, où trouver une plus belle vue

Que celle qui, du haut de la Pointe du Plan,

Du Vuache et du Jura va jusques au Mont-Blanc?

 

Sur ton plateau, Privat, Vogt, Favre et de Saussure,

Trouvent, pour leurs travaux, une riche pâture:

Cent blocs, par les glaciers posés en cent endroits.

Des temps les plus anciens leur racontent les lois.

 

Et l’heureux botaniste, oh! quels trésors splendides,

Dans tes moindres recoins, sur tes pentes arides,

De l’un à l’autre bout, de ta base au sommet,

Chaque jour il découvre à chaque pas qu’il fait!...

 

Oh ! n’est-ce pas, amis, c’est une bonne chose,

Que d’avoir sous la main, sans cesse fraîche éclose,

Cette fleur du Salève, au parfum enivrant,

La même, semble-t-il, toujours autre, pourtant !