Le Salève - historique

Toponymie

La première mention écrite du mont Salève apparaît au 4e siècle de notre ère: monte Seleuco (C.50). La première partie de ce nom dérive d’une racine pré-indoeuropéenne « sal » qui signifie « pente à éboulis » (éboulis = amas de matières). La deuxième partie - leuco - viendrait d’une langue parlée par les Celtes (= Gaulois), peuple d’origine indo-germanique qui envahi l’Europe environ 1000 ans avant Jésus-Christ, signifiant « le mont brillant » . D’après une autre source (BJJ.13) Salebra = lieu d’accès difficile. La légende donne une explication plus facile à comprendre: Alors que Gargantua (personnage de légende, Rabelais, 16e siècle) creusait le Léman, il amassa les déblais à l’emplacement de la future montagne. Cette entreprise suscita la curiosité des habitants de la région. En regardant la nouvelle montagne, ils s’écrièrent: « Eh! mais regarde donc comme ça lève! », et ainsi le nom du Salève fut trouvé (DD).


Naissance du Salève

La plaque africaine poussant vers le nord la plaque eurasienne provoquait l’émersion des Alpes puis celle des préalpes, du Salève et du Jura. La région de Genève passe de 30N (niveau d’Afrique du Nord) à 46N en 150 millions d’années à cause de la dérive des continents. Elle monte 2000 km vers le Nord (C.62). Début mouvement de plissement - 50 millions d’années. Le Salève monte et émerge de la mer à raison de 2mm / siècle en moyenne (1000 mètres en 50 millions ans). Aujourd’hui le Salève continue de monter à raison d’un millimètre par an, la moitié de cette élévation est usée par l’érosion. Il faudra donc 2000 ans pour gagner un mètre (C.63). Dès 600’000 avant J.C. il y avait une succession de périodes glaciaires et interglaciaires. La plus importante de ces périodes, la troisième (le Riss), vit les glaciers s’étendre jusqu’à Lyon. Ces glaciers ont déposé sur le Salève des blocs erratiques (granit et gneiss) transportés depuis le massif du Mont-Blanc. La 4me périodes glaciaire (le Würm) s’étalais de - 80’000 à - 10’000 avant J.C. A Veyrier la couche de glace atteint 700 m, seul quelques mètres du Salève émergent au dessus de la glace. Le vallon de Monnetier est creusé par le courant sous glacier dans une zone fissurée entre le petit et le grand Salève. Début de la fonte de la glace = -20’000. Tout le bassin lémanique (= la cuvette lémanique), des Préalpes au Jura, est couvert de glace. Nos régions sont complètement inhabitées. Les glaciers se retirent progressivement vers le nord. Vers -14’000 une maigre végétation herbacée commence à envahir le plateau. Les premiers animaux apparaissent, notamment la faune froide (renne, mammouth, etc.). Les premiers hommes quittèrent l’Afrique il y a un million d’années. En avancant vers le nord ils suit le recule des glaces. Ils arrivent à Genève il y a 10’000 ans. A ce moment les glaces ont disparues définitivement du bassin lémanique. Le lac Léman est sous sa forme actuelle c.-à-d. une étendue d’eau unique dont le niveau est de 10m plus élevé qu’actuellement. Par manque de support latéral du glacier la paroi du Salève s’effondre en un gigantesque éboulement. Le mammouth abandonne le bassin genevois pour se retirer sur les hauteurs du Jura. Les hommes, venus du sud, chasse la renne dont les troupeaux parcourent la forêt naissante. Le climat se rechauffant, la renne monte vers le nord. Elle est remplacée par le cerf, chevreuil, élan, bouquetin, chamois, lagopède, lièvre, cheval sauvage, marmotte, aurochs (boeuf sauvage aujourd’hui éteinte), ours brun, loup, renard, etc. (C.83). Âge de la pierre (-10'000 à -1'700 av. J.C.), bronze (-1'700 à -800 av. J.C.), fer (-800 à 0 av. J.C.). Une cinquantaine de grottes percent le Salève (la plus longue, la Bachai-di-Faye - le refuge des Fées - fait 1 km). Les plus connus sont la grotte d’Archamps, Le Seillon, L’Ours, Le Sablon, Les Noctambules (voir « Le Salève souterrain » de J-J Pittard). Certaines furent habitées par les hommes qui y ont trouvé refuge, cherchant la sécurité à l’abri des orages, des autres hommes et des bêtes sauvages. D’autres hommes vivaient dans des cabanes construits en rondins. Entre 500 et 100 av. J.C. les hommes exploitèrent le fer du Salève.

Le château de Monnetier

Photo

Le château de Monnetier (= de l’Ermitage = Hermitage) a été construit au 13me siècle (MJC2.67-81). Une devise était gravée dans la pierre : « Nasci, Pati, Mori » (Naître, souffrir, mourir). Le château fut pris et brûlé par les Genevois à la fin du 16me siècle quelques années avant l’escalade de décembre 1602. Les ruines restèrent en l’état pendant 3 siècles. En 1885 le château est reconstruit et devient une pension. En 1926 Joseph Dupraz achète le château dans une vente aux enchères. 2 ans plut tard il décède. Son beau-fils, un ancien champion de boxe chilien, Charles Porta, prend la direction de l’établissement. 9 ans plus tard il meurt à l’âge de 40 ans, laissant derrière lui sa femme Francine et leur fille Josette, âgée de 7 ans. Nous sommes en 1937. En 1981 Francine meurt à son tour à l’âge de 86 ans. Josette fait survivre l’établissement jusqu’en 1989. Le château abrita donc une pension pendant 100 ans. Suite à l’échec d’une vente à un émir koweïtien à cause du refus de la municipalité de fermer le domaine, pourtant privé, au public, le château est vendu, début 1999 pour 4-6 millions ff à Panorama 2000 qui, après avoir effectué des travaux, a essayé, par l’intermédiaire d’une société immobilière, Immo3 concept, de vendre le château en 9 appartements de luxe ou en entier (voir la TdG du 7.3.2000 p.54), prix demandé: 250’000 frs suisses par appartement ou 2 millions pour l’ensemble (1200 m2 de planchers dans un parc boisé de 35’000 m2). Josette s’établit à Cranves Sales près d’Annemasse.

Le château des Avenières:

Bâti en 1920 par une américaine fortunée, amenagé par un initié hindou. Tél: F 04 50 44 02 23
http://www.chateau-des-avenieres.com

La Chartreuse Notre Dame de Pomier:

Fondée en 1170. Lieu de prière et de méditation pendant 600 ans. En 1793, lors de la révolution française, la chartreuse est pillée et abandonnée pendant 100 ans. A 1894, achetée par le propriétaire actuel, elle est transformée en hôtel- restaurant. En 2001 elle devient un lieu de réunions. Tél: F 04 50 04 50 53
(http://www.chartreuse-de-pomier.com)

Brève histoire du Chemin de Fer du Salève (1893-1935) (LG)

Premier chemin de fer à crémaillère électrique du monde. Surnommé “ Funiculaire du Salève ” malgré l’absence de câble de traction. Crémaillère Abt (rail denté) au milieu des rails de roulement (écartement 1 m) et troisième rail électrifié (600 à 750 volts) le long de la voie (c.-à-d. pas d’une ligne aérienne). Danger d’électrocution : trois décès en 40 ans de fonctionnement sans compter les ânes, vaches, chèvres et chiens électrocutés. Douze automotrices de 10 tonnes à vide pour 40 places assises : longueur : 8,5 m, largeur : 2,1 m, hauteur : 3 m. Deux moteurs de 40 CV. Première ligne de 6 km ouverte en 1893 : Etrembières - Mornex - Monnetier-Mairie - Treize-Arbres. Seconde ligne de 3 km ouverte en 1894 : Veyrier - Monnetier-Mairie. Les trains (composés d’automotrices indépendantes) venus d’Etrembières et de Veyrier se rejoignaient à Monnetier-Mairie ; partis à la même heure d’en bas, ils ne formaient plus qu’un seul convoi jusqu’au terminus des Treize-Arbres à 1140 m d’altitude. Treize-Arbres avec Treize pour Très = trois en patois car 3 ormes disparus au début du XXème siècle. Vitesse maximale : 10 km/h, trajet aller : 1 heure. Coût aller-retour pour l’été 1914 : 1ère classe : 10 ff., 2ème classe : 7 ff. En 1932 l’ouverture du téléphérique (dénivellation de 666 m, actuellement 60 personnes sont transportées en 3 minutes), la construction des routes et le développement de la voiture individuelle entraînent la mort du train. Pour en savoir plus sur le Chemin de Fer du Salève, deux sites internet : www.perso.wanadoo.fr/geillon/trains/saleve , le seul site consacré au Chemin de Fer du Salève : nombreuses photos et dessins, bruit de train à crémaillère Abt et le sit de la Salévienne, http://la-salevienne.org/ une Société d’histoire locale (180 membres), éditrice du seul livre entièrement consacré au Chemin de Fer du Salève (128 pages, 80 illustrations, bulletin de commande sur le site).

Ferdinand Lassalle

Au Bois Carré, près du stand de tir de Veyrier, en août 1864, Ferdinand Lassalle [un juif allemand, d’une famille modeste, au nom français né en Pologne (Breslau)] fut blessé à mort (C.208). Lassalle est l’un des pères du socialisme allemand. Il rencontra Karl Marx en prison, mais les théories des deux hommes divergeait: Lassale souhaitait que l’État devienne social selon un cheminement démocratique tandis que Marx optait pour la révolution. Jeune avocat, La conquis une comtesse de vingt ans son aînée, puis, se tourna vers une jeune Russe, qui ne voulut pas de lui. En fréquentant des salons huppés il rencontre Hélène von Doenninges, dont le père était chargé d’affaires teuton (allemands) en Suisse. Belle, juive comme lui, capricieuse, Hélène était fiancée à un étudiant roumain: Yanko de Racowitz, à qui elle écrivit: « Hier, j’ai rencontré un homme que je suivrais jusqu’au bout du monde, s’il me voulait à lui ». Le fiancé gémit, le père se fâche, Hélène boude et Ferdinand provoque Yanko en duel au pistolet. L’arbitre devait compter jusqu’à trois, mais à « un », le fiancé choisi par le père de Hélène, tirait déjà. Lassalle (celui que Hélène préférait), blessé au ventre, tirant une seconde plus tard, a raté son adversaire. Il mourut 3 jours plus tard à Genève, dans d’abominables souffrances, à l’âge de 40 ans. Un monument à sa mémoire est érigé au golf de Bossey, près de l’Étang noir, à quelque distance du château de Crevin. Le choix de cet emplacement est probablement dû à la différence entre les législations française et suisse, en ce qui concerne le duel (illégal en Suisse). La belle Hélène, faute de mieux, épouse Yanko, qui meurt cinq mois plus tard, et après deux autres mariages, elle s’empoisonne à Munich en 1911, presque 50 ans après la mort de Ferdinand Lassalle.

Autre

Les Voûtes (MJC2.85-104) sont des roches saillantes et horizontales sur le petit Salève côté Genève. L’accès aux voûtes n’est plus par le château de l’Ermitage mais par derrière. A 15 m au-dessous des Voûtes s’ouvre une grotte: le Trou du Diable, 70m de profondeur. Historiens: Réné-Louis Piachaud, Pierre Bertrand, David Haller, Claude Weber, Louis Blondel. Noms communs à Monnetier: Descombes, Vidonne, Corajod, Ducimetière. 1822: Monnetier brûle et le dernier ours est tué au Salève (48 bâtiments détruits, il ne restait que l’église et 3 maisons). En 1852 Ernest Naville, théologien et philosophe genevois, achète le flanc est du Salève, côté Roches de Faverges (La Pile, Grange Gaby, Grange Passey). Il conclu un accord pour une participation de la Savoie dans la construction de la route Monnetier - Treize-Arbres. Malheureusement pour lui, la France en 1860 n’a pas respecté cet engagement et il dû supporter seul la totalité des frais (15’000 frs). En ces temps le sommet du Salève était déboisé à cause des mines de fer. E. Naville a effectué un reboisement intensif du sommet. Aujourd’hui, les 2 Granges appartiennent aux descendants de E. Naville, la Pile a été vendue. Grange Gaby a brûlé, pour une raison inconnue, un après-midi de janvier 1993. Elle est en train d’être restaurée par l’architecte et propriétaire actuel Michel de Senarclens dit Sarcleret. Dans le « Guide de l’Ascensionniste » rédigé en 1893 par la section genevoise du CAS (C.134) on indique un temps de marche de 15 heures pour faire le Môle, temps de l’aller-retour depuis Genève (en ce temps-là, on partait de Genève à pied pour gagner la base des montagnes). En 1920 il existe à Genève 60 clubs de montagne. Entre 1930 et 1940 les routes carrossables de la crête : Cruseilles - La Croisette - Monnetier et la route Le Coin - La Croisette fut construites. Vers 1930 des câbles électriques aériens montent les bobsleighs (luges) et leurs occupants de Collonges via la Croisette aux Pitons. Depuis les Pitons les lugeurs empruntent une piste de 3 km (pente 8%, largeur 5m) vers la Croisette, puis 5 km (pente de 12%, largeur de 3 m) vers le Coin, puis (qu’en cas de fort enneigement) 2 km (pente de 13%, largeur de 5m) vers Collonges (C.142). Le golf de Bossey est construit en 1983. Le Salève offre beaucoup de possibilités de varappe. Le mot « varappe » vient de « var » qui signifie « sommet rocheux et aride » d’une racine pré-indoeuropéenne (C.50). Ce mot régional a passé dans la langue française. Richard Wagner séjourne pendant 2 mois pour soigner son eczéma à Mornex en l’été de 1856 et y compose, en partie, son chef d’oeuvre, la Walkyrie (les Walkyries étaient des divinités féminines de la mythologie germanique qui accueillaient au paradis les héros morts au combat). John Ruskin, peintre, critique d’art, sociologue et écrivain anglais, séjourne à Mornex en 1862-3. A propos de Mornex voici un passage du poète Gaudy-Le Fort, dont la belle demeure de commerçant enrichi est devenue la mairie d’Onex: « Amis, voilà Mornex! c’est là qu’on se repose, c’est là que chaque jour prend une teinte rose, c’est là que le génie admire et se recueille, qu’à l’album de sa vie on ajoute une feuille... » (C.202). Stendhal, auteur français, de passage à Genève en 1830, voyant les dégâts causés par l’exploitation excessive des carrières, considérait le Salève comme un vilain rocher pelé qu’il aurait bien voulu faire sauter. Nikolaï Vassilievitch Gogol, écrivain russe (Le Revizor, Tarass Boulba, les Ames mortes) chasse au Salève en 1836 (C.234). Jean-Jacques Rousseau, philosophe et écrivain suisse, séjourne à Bossey. Giuseppe Verdi, musicien italien, se marie en 1859 à Collonges sous Salève. Alphonse de Lamartine, poète français, se promène sur les flancs de la montagne. George Gordon Byron, lord, poète anglais, a laissé sa trace au Gd Piton (accompagné de Lamartine). Camille Corot (1796-1875) et Gustave Courbet (1819-1877) fixent le Salève sur leurs toiles.

Bibliographie

BJJ - Boimond Jean-Jacques : Le Salève, images et anecdotes, 223 p., Imprimerie Marendaz, 1987.

C - Collectif : Le Grand Livre du Salève, 272 p., Tribune Édition, Genève, 1988.

DD - Decrouez Danielle et Charollais Jean : De Genève au Mont-Blanc - les roches racontent.

LG - Lepère Gérard Le chemin de fer à crém. du Salève, La Salévienne, Échos Saléviens n°4, 128 p., 1994 [25.- FS]

MJC1 - Mayor Jean-Claude : Le Salève à la Belle Époque, 104 p., Slatkine, Genève, 1996. [20.- FS]

MJC2 - Légendes et Visages du Salève, 200 p., Slatkine, Genève, 1997. [27.- FS]

PG - Primatesta Georges : Paysages genevois, Delachaux et Niestlé, Neuchatel, Paris, 1984.